mar.
10
juin
2025

En 1932 et 1933, Joseph Hackin, conservateur en chef du musée Guimet et directeur de fait de la Délégation archéologique française en Afghanistan (DAFA), donnait à la Maison franco-japonaise, dont il venait d’assumer la direction, une série de conférences sur le programme de l’archéologie française en Afghanistan. La quête de l’héritage de l’expédition d’Alexandre était au premier plan des préoccupations de la DAFA. Elle ne pouvait encore mettre à son actif que les découvertes spectaculaires sur l’art gréco-bouddhique (ce n’est qu’à partir de 1964 qu’une cité grecque, Aï Khanoum, allait être fouillée).
Aujourd’hui, une série de nouvelles découvertes et surtout des réinterprétations de trouvailles anciennes permettent de mieux suivre la destinée d’Alexandre le Grand comme figure mémorielle. S’il est bien connu que son culte héroïque subsiste jusqu’au début de l’époque byzantine en Occident et que son Roman a été le second best-seller du monde (après la Bible), nous pouvons démontrer maintenant que son souvenir se prolonge jusqu’au VIe siècle également sur des objets fabriqués en Asie centrale. Cette présence d’Alexandre dans les cultures iraniennes de l’Est n’est guère étonnante, si l’on pense que son image persiste jusqu’aujourd’hui dans la mémoire littéraire du monde persanophone.

Lors de cette conférence, seront notamment présentés :

  • une série de têtes de terre cuite de Samarkand à l’effigie d’Alexandre, produites uniquement sur ce site dont Alexandre était, au Moyen Âge, réputé être le fondateur ;
  • un bol d’argent découvert en Russie (kraï de Perm, à Vereino), maintenant au musée de l’Ermitage, sans doute fabriqué en Bactriane au IVe siècle, figurant l’épisode historique d’Alexandre chassant le tigre près de Samarkand ;
  • un bol d’argent dit de Lhassa, acquis en 1961 auprès d’une famille d’émigrés tibétains, figurant une version juive de la découverte par Alexandre de l’arbre à encens dans le sanctuaire du Soleil et de la Lune et de la fontaine d’immortalité, les deux situés aux limites orientales du monde. Le thème de cet objet comme son destin ultérieur illustrent parfaitement l’ubiquité et la plasticité de la mémoire d’Alexandre : d’abord signalé à Lhassa (où il avait peut-être abouti au IXe siècle par le réseau des marchands juifs « Rhadanites »), il arrive au XXe siècle en Angleterre (à l’Ashmolean Museum d’Oxford), et se trouve maintenant exposé au musée d’Art oriental de Tokyo.

Frantz Grenet a été de 1977 à 1981 directeur-adjoint de la Délégation archéologique française en Afghanistan (DAFA). Ensuite chercheur au CNRS, il a dirigé depuis 1989 la Mission archéologique franco-ouzbèke de Sogdiane qui fouille principalement le site d’Afrasiab, l’ancienne Samarkand. De 1999 à 2014 il a été directeur d’études à l’École pratique des hautes études, section des Sciences religieuses, sur la chaire « Religions du monde iranien ancien ». Depuis 2013 il est professeur au Collège de France (chaire « Histoire et cultures de l’Asie centrale préislamique »). Il est membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres. Récemment il a présidé le comité scientifique de l’exposition « Splendeurs des oasis d’Ouzbékistan » (Louvre, 2022-2023 ; catalogue sous le même titre).

Anca Dan est professeure attachée en Sciences de l’Antiquité et chargée de recherche au CNRS (à l’université Paris Sciences & Lettres, École normale supérieure de Paris). Elle étudie les Grecs et les Romains en lien avec d’autres cultures (iraniennes, juive, turques), en mettant en avant les transferts culturels qui ont façonné ces cultures. À la fois philologue, historienne et archéologue, elle est spécialisée dans l’étude de la géographie ancienne et dirige des prospections et des fouilles géo-archéologiques (actuellement en Grèce et en Géorgie) qui permettent de reconstituer les paysages anciens et de comprendre les relations d’interdétermination non seulement entre sociétés mais aussi entre hommes et environnements. Ses publications portent sur la Méditerranée orientale, la mer Noire et l’Asie (https://cv.hal.science/anca-dan). Son dernier livre, en collaboration, est un manuel d’Histoire de l’Europe. Origines et héritages (2024, https://passes-composes.com/book/412).

Modératrice : KAGEYAMA Etsuko (Research Center for Cultural Heritage and Texts, univ. de Nagoya)

Organisation : IFRJ-MFJ
Coopération : CNRS, École normale supérieure de Paris, Collège de France, Research Center for Cultural Heritage and Texts, univ. de Nagoya



* L'accès aux manifestations de l'IFRJ-MFJ est gratuit (sauf mention contraire), mais l'inscription préalable est obligatoire.

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