Le Care : comparaison France-Japon
[Séminaire doctoral] Ludivine Helluin (IRIS, EHESS), Quentin Danielou (LABERS, UBO)
18h-20h salle 601 & en ligne en français sans traduction
Innovation et travail du care : impact des technologies et innovations sur les conditions de travail et la qualité de l’emploi du personnel soignant – comparaison France-Japon
Alors que l’innovation est fréquemment présentée comme une réponse à la pénurie de main-d’œuvre et aux défis liés à l’efficacité et à la qualité du travail, son impact concret sur les conditions de travail des professionnel·le·s du care demeure encore peu étudié. Le vieillissement de la population constitue pourtant un enjeu central pour nos sociétés, l’un des principaux défis résidant dans la prise en charge des patient·e·s. Dans ce contexte, la hausse des besoins d’accompagnement, conjuguée à la difficulté des conditions de travail, rend cruciale la question de la soutenabilité du secteur. Au Japon, le recours à la robotique personnelle a été envisagé comme une solution possible à ces défis. Cependant, plusieurs travaux récents ont mis en évidence les limites de cette approche, invitant à repenser le rôle des technologies dans les activités de soin.
Adoptant une approche économique et sociologique, ce travail de thèse vise à contribuer à la réflexion sur le care, non pas en se concentrant sur les patient·e·s, mais sur celles et ceux qui en prennent soin au sein des institutions. Le travail du care est appréhendé comme un processus qui dépasse la seule gestion de cas individuels, pour s’inscrire dans un environnement plus vaste, façonné par les transformations organisationnelles et technologiques.
Cette présentation mettra en avant l’impact des innovations technologiques et organisationnelles sur la qualité de l’emploi et les conditions de travail dans le secteur du care, en France et au Japon, à partir d’une préanalyse de données. L’étude mobilise des données quantitatives issues de l’enquête nationale française sur les conditions de travail et de l’enquête japonaise Fact-Finding Survey on Long-term Care Work, ainsi qu’une enquête qualitative en cours dans un hôpital japonais et une revue de littérature sur les effets des technologies sur le travail du care. Enfin, cette intervention proposera une réflexion sur l’articulation entre approches quantitatives et qualitatives afin d’éclairer les transformations contemporaines du travail du care dans un contexte de mutations technologiques et organisationnelles.
Ludivine Helluin (IRIS, EHESS)
Ludivine Helluin est doctorante en économie et sciences sociales. Elle est titulaire d’un master en sciences économiques et sociales, obtenu en 2024 à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, au cours duquel elle a commencé à s’intéresser aux conditions de travail du personnel soignant ainsi qu’à la mise en œuvre de l’interdisciplinarité dans la recherche. Depuis octobre 2024, elle prépare une thèse dans le cadre du projet ANR InnovCare, sous la direction de Sébastien Lechevalier et Malo Mofakhami, au sein de l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (IRIS, EHESS). Ses travaux portent sur les effets des technologies et des innovations sur la qualité de l’emploi et du travail dans le secteur du soin, dans une perspective comparative France-Japon. Sa recherche s’intéresse plus particulièrement aux processus d’adoption des technologies dans le secteur des soins et à leurs implications sociales et professionnelles. Elle analyse les effets, positifs et négatifs, de différentes formes d’innovation, qu’elles soient technologiques (robotique, intelligence artificielle, technologies de l’information et de la communication, dispositifs médicaux) ou organisationnelles, sur la qualité de l’emploi et du travail des professionnel·le·s du care.
Le care communautaire : enjeux d’organisation des activités pour l’autonomie – regard sociologique France-Japon
Alors que la gestion du vieillissement de la population se confronte aux limites du technosolutionnisme, il est crucial de revaloriser des approches centrées sur l’humain et le care. Cette communication a pour objectif d’interroger, sous un angle sociologique, le care communautaire au Japon à partir d’un terrain mené dans la ville de Tama, où le double vieillissement recompose les relations locales d’entraide. Elle s’appuie sur une méthodologie mixte et une approche sociospatiale inductive, grâce aux données d’un terrain recueillies en 2024 (entretiens semi-directifs et questionnaires). Cette méthode place l’expérience des personnes concernées (tōjisha kenkyū) au centre de l’analyse, en interrogeant le lien entre leurs discours, les besoins locaux (face à l’isolement et au kodokushi) et les politiques publiques japonaises.
Nous questionnerons le rôle du système de soins intégré dans la reconnaissance des communautés locales comme acteurs du système de soins de longue durée. La critique se concentrera sur la question de savoir si l’incorporation de communautés de citoyens au Community-based Integrated Care System assure l’autonomie et l’agency des personnes âgées, ou si elle conduit à une instrumentalisation politique de leur engagement bénévole. Ce temps sera également l’occasion d’interroger la place du chercheur français dans une perspective comparée, notamment lorsque la barrière linguistique représente un défi majeur dans la méthodologie qualitative sur le terrain japonais. Ceci permettra d’ouvrir une réflexion sur la manière de mener une recherche doctorale et comparative rigoureuse face aux enjeux d’accès à la parole et de traduction culturelle. Enfin, cette communication illustrera enfin comment ces enjeux sociologiques répondent à l’initiative de l’ANR InnovCare et s’inscrivent dans une comparaison avec le cas français.
Quentin Danielou (LABERS, UBO)
Quentin Danielou est doctorant en sociologie au sein du projet ANR InnovCare et diplômé d’un master RIVES (Recherche, Inégalités, Villes, Espaces et Sociétés) à l’université Rennes 2. Dans le cadre de ce master, il a effectué un semestre d’échange à la Tokyo Metropolitan University au premier semestre 2024 et a mené des enquêtes de terrain dans la ville de Tama (Tokyo). Ces recherches ont été encadrées par Sophie Buhnik, géographe spécialiste des questions de vieillissement et de déprise urbaine. Ses débuts scientifiques se concentraient sur les mobilisations citoyennes dans les villes périphériques en double vieillissement (population et infrastructures). Depuis décembre 2024, il poursuit ses recherches dans un parcours doctoral au sein du programme ANR InnovCare, sous la direction de Nicole Roux et Louis Braverman (LABERS) à l’université de Bretagne Occidentale. Sa thèse en sociologie vise à interroger les initiatives collectives pour un vieillissement actif dans une perspective comparée France-Japon, en s’intéressant à l’éthique du care dans ces deux contextes.
Modérateurs : Mélanie HOURS (IFRJ-MFJ), Adrien BOYETTE (univ. des Sciences de Tokyo)
Orgaisation : IFRJ-MFJ