mar.
30
sept.
2025
La notion de nostalgie fait aujourd’hui l’objet de nombreuses études en sciences humaines et sociales. Le terme a été forgé au XIXe siècle par un médecin suisse pour désigner des souffrances morales décrites comme un « mal du pays ». Il a depuis évolué et peut décrire en Occident une forme de mélancolie douce envers une époque révolue. En japonais, une des traductions possibles du terme est natsukashii, qui peut aussi définir le goût pour une époque que l’on n’a pas soi-même connue. Depuis une vingtaine d’années, les études médiatiques et l’anthropologie s’attachent à décrire les implications symboliques et matérielles de la nostalgie. Cette recherche s’inscrit dans ce courant postulant que, pour advenir, ce sentiment entre en interaction avec des environnements et des cultures matérielles.
L’industrie du jeu vidéo produit un grand nombre d’objets fréquemment renouvelés et remplacés : qu’est-ce que cela implique pour le sentiment nostalgique ? Il y a dans la nostalgie une constituante formelle, technique mais aussi socioéconomique. Cette présentation la mettra au travail en mobilisant un terrain d’enquête mené au Japon auprès d’archivistes du jeu vidéo et en particulier ceux d’une association, la Game Preservation Society. L’étude de ces objets permet de questionner les récentes nostalgia studies à la fois sous l’angle du vieillissement technique des objets (par l’obsolescence des documents et des machines qui permettent de les lire) et des imaginaires (par l’aspect tendance et sériel de la multiplication des différentes licences). Cette conférence émet l’hypothèse que le vieillissement des objets issus des cultures populaires électroniques récentes produit des formes inédites de préservation, de modification et de réappropriation et transformant la nostalgie du fait qu’ils soient des objets électroniques ou associés à des imaginaires narratifs (pop culture).

Thibault LE PAGE (HEAD Genève HES-SO, univ. de Genève)

Thibault le Page est dessinateur et doctorant en socio-anthropologie. Il travaille avec des praticiens de l’art et du design qui ont pour point commun l’utilisation d’outils industriels et qui s’expriment sur des scènes souvent situées en dehors des institutions traditionnelles de diffusion des formes artistiques (musées, festivals, galeries). Il participe, observe et documente les activités de ces acteurs. Ces dernières années, cette approche l’a amené à rencontrer des archivistes amateurs, des sculpteurs de bottes de paille, des mèmeurs, ou des producteurs de jeux vidéo « de contrefaçon », entre autres. De 2019 à 2022, il a été associé au CyDRe et à la Cité du Design. Depuis 2022, il prépare une thèse de doctorat portant sur les ruines de la pop culture à l’université de Genève et à la HEAD Genève HES-SO, sous la direction de Nicolas Nova et Mathilde Bourrier. Il rédige une grande partie de sa thèse sous la forme d’une bande dessinée. Dans ce cadre, il mène une partie de son enquête de terrain à la Game Preservation Society à Tokyo. Son travail a notamment été présenté à la documenta 15 de Cassel, à la Biennale Internationale du Design de Saint Étienne, au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême (sélection jeunes talents), ainsi qu’au festival Acts of Urbanism de Détroit.

Modérateur : Antonin BECHLER (IFRJ-MFJ)

Organisation : IFRJ-MFJ

* L'accès aux manifestations de l'IFRJ-MFJ est gratuit (sauf mention contraire), mais l'inscription préalable est obligatoire.

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