Séminaire de méthodologie de la MFJ
15 février 2007

« Comment réussir une iconographie de propagande ?
Les campagnes anti-opium et anti-jeu dans la Chine des années 1930 »

Xavier PAULÈS

Résumé

Cet exposé a pour but de sensibiliser les étudiants à l'utilisation des images dans leurs recherches. Les images ont, comme chacun sait, un rôle important à jouer pour témoigner de l'histoire matérielle des époques passées. L'histoire des techniques a, ainsi, souvent recours aux images.

Mais nous voulons suggérer que les images ne sont pas seulement des témoins. Elles peuvent aussi être les acteurs de leur époque et contribuer puissamment, par leur capacité spécifique d'évocation (à laquelle Marc Bloch faisait déjà référence dans La société féodale), à modeler les mentalités collectives. Certaines idées, vraies ou fausses, certaines conceptions « prennent » parfois avec un succès incroyable parce qu'elles trouvent à s'exprimer par l'image.

L'iconographie de propagande anti-opium en Chine fournit une parfaite illustration de ce point, en particulier lors des années 1930. En effet, l'abondante iconographie produite par les associations hostiles à l'opium, caractérisée par une représentation stéréotypée du fumeur d'opium comme un être décharné et misérable, parvient à s'imposer comme la norme. La figure du fumeur comme « homme-crâne » en haillons, tenant à la main sa pipe à opium devient universellement populaire.

La conséquence en est que la consommation d'opium, auparavant considérée comme une pratique raffinée et plutôt caractéristique des élites, se trouve désormais perçue sous la République comme caractéristique des catégories les plus basses de la population. En conséquence, on peut penser que l'iconographie de propagande a joué un rôle important dans le recul de la consommation que l'on observe à cette époque, tout particulièrement parmi les élites, qui, désormais, croiraient déroger en fumant l'opium.

Le succès de cette entreprise de stigmatisation des fumeurs d'opium apparaît encore plus net lorsqu'on la compare avec les campagnes anti-jeu qui ont lieu en Chine à la même époque. On constate au contraire, dans ce cas-là, une multiplication des thématiques et des angles d'attaques, aboutissant à une incapacité notoire à créer un « type » du joueur immédiatement identifiable et laissant prise, de ce fait, à une même entreprise de stigmatisation.