Les conférences de la SEJT en 2000-2007

[ mis à jour : 3 avril 2007 ]


La prochaine réunion

Entrée libre.

Vendredi 20 avril 2007, à 18 h 30 (salle 601 de la Maison franco-japonaise)

De la monarchie des Habsbourg au Pays du Soleil levant. Voyageurs austro-hongrois dans le Japon de l'ère Meiji

Par Gilles Mastalski, enseignant au Lycée franco-japonais

L'ouverture du Japon à l'époque Meiji suscite de l'intérêt dans la plupart des pays du Vieux Continent. L'Autriche-Hongrie, grande puissance européenne de la seconde moitié du XIXème siècle jusqu'à la Première Guerre mondiale, qui la voit disparaître, n'échappe pas à la règle.

Nous nous proposons d'évoquer ici l'itinéraire de trois personnages, sujets de l'empereur François-Joseph, et tous originaires des pays tchèques.

Le premier d'entre eux est le comte Erwin Dubsky (1836-1909), officier dans la marine austro-hongroise, qui visite le Japon en 1874 et en rapporte une collection exceptionnelle de photographies, ainsi que des objets d'art. Il tient par ailleurs un journal de bord où il relate son escale dans l'archipel.

Outre l'origine, la photographie est le point commun entre Dubsky et notre second personnage : le baron Raimund von Stillfried-Ratenicz (1839-1911). Etabli à Yokohama, il y possède l'un des studios les plus en vue dans les années 1870. Ses œuvres demeurent de première importance pour une évocation visuelle du Japon de cette époque.

Nous retracerons enfin l'itinéraire de Josef (Joe) Hloucha (1881-1957), écrivain japoniste voyageur au Japon, les deux n'allant alors pas forcément de pair. De retour à Prague, il ouvre un salon de thé, le Jokohama (Yokohama) et fait construire, non loin de la capitale des pays tchèques, un hôtel et une villa dans le style japonais qui portent le même nom : Sakura.

Cette contribution voudrait être la première d'une série d'études sur les relations entre l'Autriche-Hongrie et le Japon, du début de l'ère Meiji jusqu'à la disparition de la double monarchie.


Jeudi 22 février 2007, à 19 h. (salle 601 de la Maison franco-japonaise)

Tokyo et la société de l'information : une future métropole ubiquiste

Par Nathalie Cavasin, docteur en géographie et chercheuse à l'Université Waseda

Le Japon est aujourd'hui le pays le plus avancé au monde en qui concerne l'innovation dans la téléphonie mobile. Déjà à partir de l'année 2001 il était le premier à mettre en place les services de téléphonie mobile de troisième génération. Le développement des téléphones portables affecte la manière dont les personnes communiquent et socialisent. Dans le domaine de la politique stratégique des technologies de l'information et communications (TIC) le Japon a développé le « e-Japan Priority Policy Program » afin de mettre en place de nouvelles infrastructures de télécommunications, le gouvernement électronique et le commerce électronique. Avec le développement de l'usage de la téléphonie mobile en relation avec différent types de technologies sans fils, la société de l'omniprésence est en train de façonner l'espace urbain sous de nouvelles formes. La société de l'omniprésence en réseau fait ainsi référence aux développement des technologies sans fils ou à une plus grande interaction entre les combinés, les appareils et les réseaux. Au moment où le Japon vient de mettre en place en décembre 2006 dans le quartier de Ginza le plan intitulé « Tokyo Ubiquitous Project Ginza » à savoir un large réseau de communication radio permettant aux passants de recevoir des informations en fonction de leur localisation, il est important d'approfondir la théorie en urbanisme dans l'ère de la société de l'information. Cette conférence présentera la géographie des infrastructures électroniques au Japon avec les tendances socioéconomiques et technologiques et de leurs impacts sur la ville avec le cas de Tokyo comme future nouvelle ville ubiquiste.

Vendredi 13 octobre 2006, à 19 h. (salle 601 de la Maison franco-japonaise)

Clemenceau et la Chine

Par Matthieu Séguéla, enseignant au Lycée franco-japonais de Tokyo et président de la SEJT

Dans la longue carrière de Georges Clemenceau (1841-1929), la Chine occupe une place importante, tant sur le plan politique, diplomatique, journalistique que littéraire. C'est en effet à l'occasion des deux guerres franco-chinoises de 1883 et 1885, que Clemenceau se révèle au grand public en incarnant l'opposition au gouvernement de « Ferry le Tonkinois » et en prenant le risque politique de défendre le point de vue chinois. Condamnant l'impérialisme dont est victime l'Empire du Milieu — « la Chine aux Chinois » revendique-t-il — Clemenceau n'a de cesse de réfuter le prétendu « péril jaune » pour mieux souligner la grandeur de la civilisation chinoise. Toutefois, l'archaïsme du système monarchique de la dynastie mandchoue le conduit à soutenir le Japon de Meiji lors de la guerre de 1894-1895 et à espérer la réussite des tentatives réformistes de 1898 ou le succès de l'activisme révolutionnaire de Sun Yat Sen. En 1900-1901, la Révolte des Boxeurs et les conséquences de l'expédition internationale vont fournir à Clemenceau l'opportunité de mener une véritable campagne de presse (plus de 80 articles) en faveur du peuple chinois et de son indépendance. Cet engagement est d'autant plus intéressant à étudier que la question chinoise mobilise Stephen Pichon, ministre plénipotentiaire à Pékin, un de ses plus proches amis qu'il choisira comme ministre des Affaires étrangères à deux reprises (1906-1909 et 1917-1920). Clemenceau juge d'autant plus durement l'action de la France en Chine qu'il la juge favorable aux intérêts russes et influencée par les missionnaires catholiques. L'engagement sinophile de Clemenceau aura une suite singulière avec l'écriture du Voile du Bonheur, pièce de théâtre écrite en 1901, ayant pour cadre la Chine et pour trame la philosophie confucéenne.

Si, lors de son premier passage au pouvoir (1906-1909), Clemenceau suit avec sympathie les efforts de modernisation du gouvernement chinois, le chaos qui accompagne l'avènement de la République, en 1911, le déçoit, de même que l'attentisme et l'opportunisme du gouvernement de Pékin durant la Première Guerre mondiale. Lors de la Conférence de la Paix de Paris, c'est par pragmatisme que Clemenceau appuie les ambitions du Japon contre la Chine. Ce n'est qu'une fois retiré de la vie politique, que « le Tigre » va entrer en contact avec le monde chinois lors d'un voyage en Asie du Sud-Est et d'un mémorable séjour à Singapour.


Vendredi 5 novembre 2004, à 19 h. (salle 601 de la Maison franco-japonaise)

Décider et agir. L'intrusion japonaise en Indochine française au mois de juin 1940

Par Franck MICHELIN, enseignant à l'Université de Tsukuba et secrétaire de la SEJT

En 1940, le Japon émet des revendications sur l'Indochine française que le pouvoir vichyste doit, contraint et forcé, accepter. Outre la place que tient la colonie française au sein des plans d'expansion du Japon, l'affaire révèle également les processus décisionnels au sein des cadres dirigeants japonais. On a souvent coutume, pour décrire ce processus, d'opposer colombes et faucons. La crise de l'été 1940 suggère que ce schéma est pour le moins réducteur, voire erroné.

Chose alors inédite, la décision du Japon d'intervenir en Indochine fut prise dans un laps de temps de quelques semaines. Cela nous permet de mettre à jour avec une relative précision les tenants et les aboutissants de cette affaire, et surtout de décrypter la façon dont les différentes sphères dirigeantes japonaises établissaient les consensus nécessaires aux prises de décision en matière de politique étrangère.

Après avoir expliquer brièvement la déroulement et les causes des événements de juin 1940, nous aborderons la question des dissensions au sein des différents groupes participant au processus de décision. Pour terminer, nous nous essaierons à une tentative d'interprétation de la politique étrangère japonaise dans le Japon d'avant 1945.


Vendredi 7 mai 2004, à 19 h. (salle 601 de la Maison franco-japonaise)

Musique japonaise traditionnelle : shamisen et nagauta. Regards japonais et français

Par NISHIMURA Makoto, musicienne, et Nathalie CAVASIN, géographe, chercheuse à l'Université Waseda

L'origine de la musique japonaise remonte très loin dans l'histoire et même dans les légendes de l'antiquité. Toute une série de genres d'expression musicale se sont développés progressivement, et c'est à partir du XIIIe siècle que les chants bouddhiques apparaissent tout comme la musique orchestrale de court. C'est au moment de la période d'Edo que la grande musique traditionnelle japonaise connaît son apogée. Le shamisen (une sorte de luth à trois cordes) se développe tout comme la musique pour le théâtre classique kabuki. La musique accompagnée au shamisen s'est développée en plusieurs styles, et c'est celui connu sous le nom de Nagauta signifiant littéralement « chant long », qui est l'objet de cette présentation. Le style « Nagauta shamisen » s'élève au centre de la période purement orientale de la musique japonaise traditionnelle avant l'influence occidentale. La première référence directe à Nagauta est dans le Matsu no ha, une collection de lyriques de 1703 pour les chants au shamisen.

Nous montrerons l'histoire de l'instrument shamisen originaire de Chine et de son développement au Japon, tout comme ses caractéristiques techniques. Dans cette présentation sera retracée également l'histoire de Nagauta et de son lien très profond avec le shamisen, mais aussi de la composition de l'ensemble Nagauta (plusieurs shamisen, chanteurs, tambours [ôtsuzumi et kotsuzumi, taiko] et flûtes [nôkan, takebue, et shinobue]). De plus, nous expliciterons un élément de la musique traditionnelle japonaise représenté par le concept du temps à savoir le « ma ». Puis, nous tenterons de montrer la place de la musique traditionnelle japonaise et en particulier Nagauta dans le Japon contemporain et comment le système iemoto rend aujourd'hui cette musique presque inaccessible. Enfin, cette présentation se terminera avec deux pièces jouées au shamisen intitulées Suehirogari et Miyakodori.


Vendredi 6 février 2004, à 19 h. (salle 601 de la Maison franco-japonaise)

La daguerréotypie au Japon

Par Claude ESTÈBE, ancien résident de la villa Kujôyama

A quand dater les débuts de la photographie au Japon ? les ouvrages japonais sur le sujet commencent avec la description par Ueno Shunnojô - un marchand de Nagasaki - d'une chambre daguerienne qu'il finit par acquérir (en 1848) ; mais posséder un appareil photographique sans savoir s'en servir ni l'utiliser est-ce vraiment de la photographie ? Je serais tenté de faire débuter cette histoire avec un événement à la fois symbolique et précis : la première prise de vue effectuée en public au Japon, le 7 mai 1854, à Shimoda par le daguerréotypiste américain Eliphalet Brown Jr. À la demande du commodore Perry. Devant une foule d'une centaine de personnes réunie au Daian-ji, il photographia quelques courtisanes de Shimoda. Ce qui caractérise peut être le mieux la photographie, comme l'a théorisé Philippe Dubois, plus encore qu'une image indicielle, c'est « l'acte photographique » lui-même.

Les photographies prises ce jour-là ont malheureusement toutes disparues (dans un incendie, en 1861...) mais il reste de nombreux documents sur cet événement : lithographies gravées à partir des daguerréotypes originaux, un rouleau japonais de 1854 et le récit d'un témoin oculaire, le peintre allemand William Heines. Nous présenterons ces documents et les premiers daguerréotypes japonais et tenterons d'en déduire quelques caractéristiques spécifiques à la photographie au Japon en comparant sa réception au début de la photographie en France.


Vendredi 19 décembre 2003, à 19 h. (salle 601 de la Maison franco-japonaise)

Les morts et les vivants dans les sociétés pré-modernes : une comparaison entre la France et le Japon des récits relatifs aux âmes et aux revenants

Par SUGISAKI Taiichirô, professeur à l'Université Chûô

Avant l'époque moderne, les Français, aussi bien que les Japonais, croyaient en masse à l'existence de l'Au-delà et à la possibilité de communiquer avec les morts. Mais la mentalité et l'attitude à l'égard des morts et de l'Au-delà varient selon les périodes et les cultures. Les peuples de l'Antiquité, vénérant et redoutant leurs ancêtres, procédaient à des funérailles imposantes afin que les morts protègent et épargnent les vivants. Par la suite, l'introduction de religions aux riches contenus philosophiques (telles que le christianisme et le bouddhisme) et l'établissement de régimes basés sur l'autorité religieuse (comme les seigneurs médiévaux français ou la Cour de l'Empereur japonais) ont engendré de nouvelles visions des morts. Nous tenterons donc de mieux comprendre les similitudes et les différences de pensées et de mentalités entre les peuples français et japonais par l'analyse des sources écrites concernant les morts dans les deux cultures.

Dans la France médiévale, avec le développement des cultes chrétiens pour les défunts, la crainte et la croyance originelle dans les revenants a été christianisée et apprivoisée. Les phénomènes d'apparition des morts ont été réécrits dans le cadre de la théologie catholique, et les revenants sont devenus des acteurs aux paroles fixées par l'Église. Ils étaient censés revenir au monde avec la permission de Dieu pour exposer les théories religieuses sur le salut des morts. Mais malgré l'effort ecclesiastique, la croyance primitive ne s'est pas effacée de la mentalité populaire. Ainsi, avec la sécularisation de la société et la vulgalisation des prêcheurs, les revenants de la culture populaire ont été progressivement tolérés par le clerge catholique.

Au Japon, il n'est jamais arrivé qu'une seule religion domine la société ou qu'un seul dogme monopolise la pensée du pays. En conséquence, contrairement au cas français, les croyances primitives concernant la peur des morts se sont mélangées aux diverses religions d'origine étrangère et ont formé, pour ainsi dire, une nouvelle religion ritualisée qui a exercé une forte influence sur la société et la culture. Des fêtes ont été alors célébrées en l'honneur des âmes mortes nobles (onryô) et de nombreux temples ont été construits un peu partout pour apaiser leur colère. Progressivement, la nature des âmes mortes s'est vulgarisée et beaucoup de légendes sur les revenants (yôrei) ont vu le jour. Ces revenants, à l'apparence faible et au caractère mélancolique, ont manifesté aux vivants le ressentiment propre à la mentalité japonaise, l'urami.


Vendredi 5 septembre 2003, à 19 h. (salle 601 de la Maison franco-japonaise)

Jean Monnet et l'Extrême-Orient dans les années 30

Par MIYASHITA Yuichirô, doctorant à l'Université Keiô

Jean Monnet est un personnage bien connu au Japon, mais sous la qualification du « Père de l'Europe ».

Certes, sa contribution à la construction européenne fut immense, et le but de notre exposé n'est pas de le mettre en question et de donner une synthèse révisionniste. Cependant, il n'a pas passé toute sa carrière à construire l'Europe, et la qualification citée en haut risque de mettre le personnage si important dans l'histoire des relations internationales dans l'obscurité.

En 1997, cette tendance commence à changer en France (mais pas au Japon), et un colloque très important a eu lieu à Paris, et nous pouvons voir les travaux dans les actes du colloque publiées, Jean Monnet, l'Europe et les chemins de la Paix. On peut dire que ces articles, avec les 2 biographies consacrées sur Jean Monnet par François Duchêne et Eric Roussel, représentent des grands monuments dans l'historiographie du personnage. Cependant, comme le montre son titre, les thèmes sont basés sur l'Europe. On oublie un peu qu'il était aussi en Chine dans les années 30, en plein milieu des crises de 20 ans, selon le terme de E.H. Carr. Il fut auprès des personnages clés du Koumintang, comme T.V. Soong, ministre des finances.

Il existe peu d'études sur Jean Monnet en Chine. Manque d'archives, certes. Mais c'est surtout l'aspect “Père de l'Europe” qui a contribué à mettre le personnage dans la légende.

Alors, que faisait-il en Chine ? Ceci est le thème de notre exposé.


Vendredi 2 mai 2003, à 19 h. (salle 601 de la Maison franco-japonaise)

L'antisémitisme au Japon

Par Arnaud Nanta, doctorant aux universités de Paris VII et de Tokyo

Avant de traiter un antisémitisme japonais, il convient de s'interroger plus simplement : pourquoi existe-il un antisémitisme au Japon ? L'antisémitisme fut introduit dans l'archipel comme un courant de la pensée occidentale dans les années 1920 & 1930 et sa persistance après la Seconde Guerre Mondiale est souvent perçue comme une forme detournée de la critique à l'encontre des États-Unis, mais aussi comme un discours subalterne lie aux "ouvrages de pacotilles" (tondemo-bon) divers qui peuplent les recoins des librairies japonaises, et qui portent entre autres sur les Ovni ou les nouvelles religions. Pour ces deux raisons, l'étude et la critique de cet antisémitisme furent souvent eludées.

Cependant, une mutation dans cette antisémitisme japonais au tournant de la fin des années 1980 et une série d'affaires lors de la décennie suivante nous obligent à estimer qu'il s'agit non pas d'un epiphénomène dans la pensée japonaise mais plutôt d'une tendance de fond, toujours active, toujours présente. L'historiographie récente consacre maintenant des études à ce sujet. À la fin des années 1980, cet antisémitisme passe d'une critique religieuse des Juifs et d'Israël à la négation pure et simple des chambres à gaz et d'Auschwitz. Cette mutation suit de près le mouvement négationniste européen et américain (Faurisson, Butz, etc.), mais il existe ici une différence de taille avec l'Europe ou les États-Unis : le Japon ne compte pratiquement aucune communauté juive en son sein. Autrement-dit, nous observons un "antisémitisme sans Juifs".

Dans notre exposé, nous présenterons la mutation de cet antisémitisme de nature religieuse vers un antisémitisme négationniste vers 1986-1990, et nous reviendrons sur l' "affaire Marco Polo" (1995). Dans un second temps, nous essaierons de réfléchir sur la question de l'Altérité au Japon, et plus precisément sur l'Alterité qui se trouve integrée dans l'image du "Juif" de l'antisémitisme japonais. Derrière l'antisémitisme japonais il y a la sinophobie.


Vendredi 7 février 2003, à 19 h. (salle 601 de la Maison franco-japonaise)

Archéologie d'une archéologie : Des Kofun et de leur place dans l'élaboration de la tradition impériale au Japon de la deuxième moitié du XVIIème à la première moitié du XXème siècle

Par Laurent Nespoulous, responsable de la revue de la Maison franco-japonaise, Ebisu, et chercheur en archéologie

Le cadre d'apparition des études archéologiques n'est pas neutre puisqu'il coïncide avec l'affirmation du concept d'État-nation, trouvant sa réalisation dans la constitution d'une identité voulue spécifique. L'enjeu premier de l'archéologie, son objet d'étude, dans son contexte particulier d'apparition, « c'est le passé de la Nation » (Demoule et al. 2002). Le Japon ne fait pas exception sur ce dernier point. Ce phénomène de formation, étudié entre autres par le constructionnisme social, a consisté à poser, comme autant de jalons fédérateurs, des matériaux « traditionnels » culturels pouvant être nouvellement créés « comme les drapeaux et les hymnes nationaux » (Hobsbawm et Ranger, 1983), ou encore pouvant être le fruit d'un façonnage à partir de données plus ou moins réelles, comme la démonstration de la continuité historique d'une nation neuve par réapropriation d'un passé plus ou moins reculé. Que l'on décide de parler d'invention, d'imagination ou d'un processus plus diffus et continu dans le temps pour traiter de la constitution de ce matériau culturel « commun », une chose est certaine : c'est toujours autour de lui que les débats portant sur la légitimité et / ou l'identité finirent par se cristalliser, qu'il s'agisse d'institutions, comme l'État, ou de communautés, comme la Nation. Dès lors, si la recherche archéologique en soi ne se destinait pas absolument à une orientation « identitaire », elle demeurait le reflet d'une époque et de problématiques qui conduisirent précisément à sa constitution en tant qu'« archéologie nationale » en France, et à son équivalent dans de nombreux pays d'Europe et au Japon durant la seconde moitié du XIXème siècle, participant de ce fait au processus de formation d'une « identité culturelle nationale ». La recherche dans le sol des origines d'un peuple – de ce qui le caractériserait depuis toujours –, et par extension, de celle de la Nation ainsi que la légitimisation de cette dernière dans le présent, est un fait largement observé. Qu'il s'agisse de Vercingétorix et des fouilles sur l'oppidum d'Alésia en 1860, ou de la « redécouverte » des tombes « impériales » au Japon pendant la seconde moitié de l'époque d'Edo et au moment de la transition vers l'ère Meiji, dans le premier cas, les Français finiront par s'identifier à leurs « ancêtres les Gaulois », et dans le deuxième cas, c'est la continuité et la longévité de la famille impériale qui est « restaurée », laquelle famille se retrouve affirmée, et légitimée dans ses prérogatives comme elle ne le fut probablement jamais. Par conséquent, se pencher sur la question de la généalogie des discours de l'archéologie s'avère indispensable pour en saisir les orientations. L'archéologie, ne saurait en effet se limiter à ses enjeux et perspectives actuels.

Le cadre qui nous occupe ici, est celui de la constitution de l'archéologie des kofun et de la période Kofun, littéralement, la période « tertres antiques ». Cette dernière, caractérisée par la présence de tertres funéraires aux dimensions souvent gigantesques, est généralement datée, de nos jours, d'entre la seconde moitié du IIIème siècle et le tout début du VIIème siècle de notre ère. La période Kofun, essentiellement étudiée à partir des données collectées dans les tombes auxquelles elle doit son nom, est actuellement comprise comme l'intervalle de temps où les sociétés de l'archipel ont atteint un très haut degré de stratification sociale, à tel point que certains vont même jusqu'à parler de l'apparition d'un proto-État ou d'un stade archaïque d'État. Ce qui fera donc l'objet de cette présentation sera précisément la nature de ce discours sur les tombes depuis l'époque d'Edo jusqu'à la réalisation de leur archéologie à Meiji et durant la première moitié du XXème siècle. Par ce tour d'horizon, forcément incomplet car synthétique, nous souhaitons mettre en évidence les enjeux de cette archéologie dans son rôle de fondation et d'entretien de la «  tradition impériale  » dans le Japon des débuts de l'ère contemporaine. Nous nous livrerons en quelque sorte à une présentation de l'archéologie d'une archéologie.


Vendredi 15 novembre 2002, à 19 h. (salle 601 de la Maison franco-japonaise)

À propos du procès de Tokyo et de sa postérité

Par Franck Michelin, secrétaire de la SEJT et enseignant à l'Université de Tsukuba

Le 15 août 1945, la capitulation du Japon met un terme à la guerre du Pacifique. Le 3 mai de l'année suivante, s'ouvre le procès de Tokyo durant lequel onze pays vont juger les crimes de guerre commis par les dirigeants japonais depuis 1928. Le 23 décembre 1948, les sept condamnés à mort par pendaison sont exécutés dans la prison de Sugamo. Le lendemain, les détenus qui devaient faire l'objet d'un deuxième, voire d'un troisième procès sont libérés, et débute la « purge rouge » : la guerre froide commence au Japon.

Le procès de Tokyo pose toujours aujourd'hui un certain nombre de questions que le Japon ne parvient pas à résoudre. Il est un révélateur des difficultés que le Japon rencontre vis-à-vis de sa mémoire du second conflit mondial. Procès de vainqueurs pour certains, juste punition pour d'autres, penser le procès de Tokyo en des termes mesurés est toujours extrêmement difficile pour un Japon qui oscille entre déni de mémoire et auto-flagellation. Nous essairons ainsi de poser les principaux problèmes que pose le procès au Japon.

Mais nous ne nous limiterons pas au seul cas japonais. En effet, ce procès ne concerne pas uniquement le Japon, mais également les onze pays qui envoyèrent à Tokyo chacun un juge et un procureur, ainsi que l'ensemble des pays qui furent concernés de près ou de loin par la guerre du Pacifique. La France fut présente à Tokyo, et l'action qu'elle y mena est révélatrice de la politique qu'elle entendait mener et des difficultés qu'elle rencontrait alors sur la scène internationale, et tout particulièrement en Asie.

Enfin, afin d'élargir un peu plus notre propos, nous aborderons brièvement la question des procès des criminels dits des « catégories B et C », c'est-à-dire des criminels qui se virent porter la responsabilité de crimes au niveau local. Fait à peu près oublié, la France organisa en Indochine un certain nombre de procès contre des militaires japonais accusés de crimes contre ses ressortissants. Ces procès locaux, qui virent s'asseoir sur le banc des accusés des personnes qui n'étaient bien souvent que des lampistes, posent un problème d'une autre nature que celui du procès des dirigeants japonais à Tokyo, mais qui n'en est pas moins épineux.


Vendredi 30 août 2002, à 19 h. (salle 601 de la Maison franco-japonaise)

Diversification des groupes ferroviaires privés à Tokyo : héritage et perspectives

Par Natacha Aveline, pensionnaire à la Maison franco-japonaise et spécialite en sciences urbaines

Tokyo est la seule métropole mondiale à être dominée par le transport ferroviaire. La plupart des opérateurs qui charrient quotidiennement banlieusards et autres commuteurs sont privés. On en distingue deux grands types : les groupes ferroviaires privés (ôtemintetsu) et le groupe de la JR East. Les ôtemintetsu ont été pour la plupart fondés au début du 20ème siècle et sont restés de «purs» opérateurs privés jusqu'à nos jours. Comme ils assuraient la majeure partie du trafic de banlieue sans subventions publiques, l'Etat en est venu à leur concéder de très importantes prérogatives dans des domaines très divers, de l'aménagement urbain à la grande distribution. La part des recettes du trafic ferroviaire dans les revenus consolidés de ces groupes s'est donc considérablement amenuisée au fil du temps, au point de tomber en dessous de 10% pour certains d'entre eux. Le groupe JR East a une tout autre histoire : il est issu de l'ancienne compagnie publique nationale JNR, privatisée en 1987. Dès sa constitution, le groupe JR East –tout comme les autres groupes membres du groupe JR à Honshu- a pris les ôtemintetsu pour modèle, s'engageant dans une diversification tous azimuts. Mais beaucoup de ces projets, conçus en pleine euphorie foncière, reposaient sur des anticipations bien trop optimistes et se sont soldés par de cuisants échecs.

Je vous propose de prendre ensemble la mesure de la diversification des opérateurs ferroviaires privés à Tokyo (ôteminetsu et JR) et d'étudier les perspectives de redéploiement de ces groupes dans le nouveau contexte d'ajustement démographique Pour rendre la démonstration plus vivante, je m'appuierai sur des diapositives et des documents publiés par les groupes ferroviaires.


Vendredi 24 mai 2002, à 19 h. (salle 601 de la Maison franco-japonaise)

Style architectural et architecture contemporaine japonaise

Par François Aveline, architecte

Au Japon comme ailleurs, les objets architectoniques se constituent, se développent, subissent des mutations et finissent un jour par disparaître. Néanmoins, cette disparition n'est jamais totale, puisqu'il subsiste toujours des effets physiques externes temoignant de leur présence passée (dents creuses, façades murées, résistance de la structure parcellaire ?). Si le lieu agit sur la formation de l'objet projeté, celui-ci une fois formé et institué dans le site modifie sa physionomie. Le projet est d'abord une intervention dans un substrat matériel sur lequel s'imprime le temps.

Dès sa realisation, l'objet architectonique assume à travers sa matérialité une valeur unique, expression singulière d'un moment historique. Il cristallise des pratiques et des croyances qui resurgissent au travers de son organisation matérielle. Sa valeur signifiante, inscrite dans les matériaux, fait de lui le véhicule d'une certaine connaissance : celle du processus logique, technique et formel de sa propre génèse.

Il y a toutefois un decalage entre l'information "mémorisée" par l'organisation des matériaux et le résultat visible interprété par la société. L'architecte prémédite des effets perceptibles , des phénomenes, en "aveugle", à partir des données d'un site et des contraintes d'une commande (un programme symbolique et fonctionnel), alors que le public perçoit un résultat qu'il interprète le plus souvent selon son horizon d'attente. L'édifice est en effet souvent vu comme le support d'une figuration, une image destinée a envelopper le spectateur. Cette perception métaphorique de l'architecture oblitère sa raison physique et les procédures qui l'ont elaborées.

En revanche, l'exploration de l'espace idéal codé, où se trouve l'ordre caché de sa logique, permet de relativiser la rupture entre le plan de la perception (l'épiderme ou le style) et le plan du contenu. Le style, avant d'être une chose admirable, est un symptome qui est loin de se limiter a un "effet esthétique". En tant qu'écriture, et non comme catégorie esthétique, il traduit une certaine conception du monde par le biais d'un codage. Il possède une cohérence interne, c'est une matière organisée ou écrite que l'on ne peut confondre avec ce qu'il est convenu de nommer "langage architectural".

Au style, qui est véritablement la mémoire d'une construction, correspond le monument comme acte mémoriel . Ce dernier, -abusivement appelé historique- n'est pas seul à faire signe. Toute construction vernaculaire a droit à ce statut car l'acte monumental n'a rien d'esthétique, il est une empreinte destinée a maintenir la memoire. Il peut tres bien être le processus naturel de formation d'un paysage, résultant d'un acte socialement ritualisé.


Vendredi 10 mai 2002, à 18 h. (salle 601 de la Maison franco-japonaise, conférence en français, sans interprétation)

Des Grecs en Asie Centrale - Une cité fondée par Alexandre d'après les fouilles françaises en Afghanistan

Par Joël Thoraval (MFJ/EHESS)

De 1968 à 1980, la délégation française en Afghanistan (DAFA) a fouillé une des plus gigantesques villes hellenistiques, à la frontière entre l'Afghanistan et le Tadjikistan.

La fouille de cette impressionnante cité, avec son palais, son théâtre, son gymnase, ou sa bibliothèque, a permis un renouveau de nos connaissances sur l'influence de la culture greque au coeur de l'Asie, entre les mondes indien, iranien et chinois. Elle montre notamment que la culture grecque a persisté dans cette région beaucoup plus tard et de manière plus brillante qu'on ne le pensait auparavant.

Joël Thoraval, archéologue et anthropologue, actuellement chercheur à la Maison franco-japonaise, a été le dernier « pensionnaire scientifique » de la DAFA. Il nous présentera le résultat de ces fouilles à partir de diapositives.


Vendredi 26 avril 2002, à 19 h. (salle 601 de la Maison franco-japonaise)

Comment les ethnologues japonais voient la ville : histoire d’une pénible reconnaissance

Par Jean-Michel BUTEL (MFJ/INALCO)

D'abord intéressés par ce que révèlent les pratiques villageoises de la culture japonaise dans ce qu'elle a de plus immémoriale, et soucieux de combattre l'oubli progressif des traditions, les ethnologues et folkloristes du début du siècle n'écriront que peu sur la ville, même si celle-ci transparaît souvent tout au long de leur oeuvre. Urbanisation et dépeuplement rural aidant, il va toutefois être de plus en en plus difficile de nier que la ville est aussi l'un des creusets de la culture japonaise. La reconnaissance se fera à reculons, à partir des années 1970, et nécessitera l'abandon de certitudes bien boulonnées. Celle-ci sera salutaire pour la discipline ethnologique, qui sera forcée d'abandonner des oripeaux pseudo-scientifiques prétendant aider à saisir ce qu'est la "nature" des japonais.

Nous aimerions lors de cet exposé présenter un panorama des hésitations des ethnologues japonais face à la ville et à la culture qu'elle sécrète, de Yanagita Kunio (1909-) aux recherches de ces toutes dernières années. Nous nous arrêterons un instant sur Kon Wajirô et ses étonnants croquis de vie urbaine dans les années 30.


Vendredi 29 mars 2002, à 19 h. (salle 601 de la Maison franco-japonaise)

Au carrefour entre science et nationalisme : La question de l'« origine des Japonais » chez les anthropologues et archéologues de Meiji

Par Arnaud NANTA (Paris VII)

Le dernier quart du XIXème s. est le moment de la réforme gouvernementale de l'Etat japonais et de la formation de l'Etat national. Les décennies 1870-80 sont marquées par le refonte du système du savoir et la mise en place parallèle d'une science historique chargée d'étudier l'histoire de la nation, ainsi que d'un savoir anthropologique qui se donne pour objet l'étude du barbare comme image de l'a-japonité.

A peine fondée en 1884, la Société d'Anthropologie de Tokyo concentre ses efforts sur la recherche de l'« origine des Japonais », peuple mythique dont l'existence se perdrait dans les brumes de la mythologie antique. Une grande querelle sur la préhistoire de l'archipel domine les debats entre 1886 et 1913, relativement à la nature du peuple qui a dressé les amas coquilliers : le peuple des « Koropokgrus » ou bien les barbares Ainous ? Dans sa tentative de définition de la nation et de la race japonaise, les anthropologues de Tokyo se partagent entre les méthodes ethnologique et anthropométrique : tantôt comparant les poteries Jômon avec l'artisanat de Hokkaidô comme le fit le président de la Société Tsuboi Shôgoro, tantôt mesurant les squelettes ainous dans le cadre d'enquetes raciologiques comme le fit le médecin Koganei Yoshikiyo. Nous présenterons dans cet exposé les débats de la Société dans les décennies 1890-1900, ainsi que les grandes enquêtes ethnologiques et les pillages de tombes, méthode généralisée de l'anthropologie de l'époque moderne.


Vendredi 25 janvier 2002, à 19 h. (salle 601 de la Maison franco-japonaise)

Uno Kôzô, économiste et gourou du marxisme japonais de l'après-guerre

par Thomas SEKINE

Uno Kôzô (1897-1977), un gourou du marxisme japonais de l'après-guerre, particulièrement admiré par les shinsayoku, les soixante-huitards du Japon, dans les années soixante et soixante-dix, mais de nos jours déjà presque oublié, coula son enfance dans un milieu petit-bourgeois de Kurashiki, durant la première décennie du vingtième siècle, alors que le Japon subissait les lancinantes épreuves de la modernisation à marche forcée. Plus tard, sous l'influence d'idéologies nouvellement importées -- le socialisme et l'anarchisme en particulier --, il se décida à étudier à fond et à maîtriser Le Capital de Marx. Mais son ambition ne fut réalisée qu'en 1924, en Allemagne. En revenant au Japon après le grand séisme du Kantô, c'est-à-dire au crépuscule de l'époque « démocratisante » de Taishô, il enseigna à l'Université Tôhoku de Sendai, chargé des cours de politique économique. Il se plongea alors dans sa recherche intellectuelle, écrivant peu et restant donc largement inconnu, jusqu'à son arrestation en 1938 sous le chef d'inculpation, peu croyable, d'avoir participé à des activités politiques au Japon de concert avec le Front populaire, mouvement international anti-fasciste. Après sa libération, il vint à Tokyo et travailla pour des centres privés d'études économiques jusqu'à la fin de la guerre. Ce n'est qu'en 1946 qu'il fut rétabli dans ses fonctions universitaires, cette fois à Tokyo, à l'âge de 49 ans. A partir de ce moment, son talent inégalé et longtemps dissimulé put éclore. Il publia prolifiquement, et ses pensées originales fascinèrent les jeunes qui virent en lui un véritable meneur idéologique du Japon.

Mais comme auteur, il reste difficile à comprendre. Peut-être ne l'a-t-on pas bien compris après tout, ce qui expliquerait la brièveté de sa popularité. Sa véritable importance réside, me semble-t-il, dans la découverte de la « dialectique du capital » qui constitue, en somme, le « logiciel » [das Bewegungsgesetse] de la société moderne. Sans bien tout d'abord saisir ce « logiciel », on ne saurait en aucun cas surmonter le capitalisme quelque fervente que soit sa passion révolutionnaire, et le postmodernisme « déconstructeur » ne serait guère qu'un assaut de Don Quichotte contre des moulins à vent.


Mardi 18 décembre 2001, à 19 h. (salle 601 de la Maison franco-japonaise)

Le théâtre populaire japonais (taishû engeki)

par Pascal GRIOLET (Maître de conférences de japonais à L'INALCO)

Il existe au Japon un théâtre populaire curieusement inconnu du grand public comme des spécialistes du théâtre alors qu'il véhicule une tradition qui remonte au kabuki populaire. Les troupes, d'une dizaine ou d'une quinzaine de personnes, hommes, femmes et enfants, sont constituées d'acteurs ambulants, les tabi yakusha, dont Ozu Yasujirô retrace l'existence dans son film Ukigusa. Ceux-ci restent un mois en un lieu et chaque soir jouent une pièce différente. Les danses qu'ils présentent diffèrent également chaque soir. Le répertoire ne repose sur aucun texte écrit. Le théâtre populaire japonais est un théâtre où l'on rit bien sûr, mais aussi un lieu où les acteurs parviennent à toucher les glandes lacrimales du public et a lui arracher des larmes.


Vendredi 30 novembre 2001, à 19 h. (salle 601 de la Maison franco-japonaise)

ÔSUGI SAKAE ET L'ANARCHISME : LIBERTÉ DE CONSCIENCE ET D'ÉCRITURE DANS LE JAPON DE TAISHÔ

par Gilles BIEUX

Si l'ère Taishô est connue comme une relative période de développement des libertés, ce qui est sans doute dû à l'expansion du Japon en Asie et à sa victoire sur la Russie qui entraînèrent un enrichissement du pays, elle demeure à bien des égards très coercitive. Alors qu'elle s'achève en septembre 1923 à la suite du grand tremblement de terre du Kantô, Ôsugi Sakae, personnage complexe au cœur du mouvement qui tenta au Japon de propager la philosophie de la gauche révolutionnaire, connaît également une fin tragique, assassiné par un capitaine de la police militaire. Témoin important de son temps, Ôsugi Sakae est le premier anarchiste japonais internationaliste par opposition à son aîné Kôtoku Shûsui dont l'anarchisme tout tourné vers l'interieur n'a su trouvé d'audience auprès des couches populaires et a connu une fin tragique avec l'incident de lèse-majeste en 1910.

Ôsugi tente de trouver dans l'accomplissement d'un idéal anarchiste un remède à tous les maux aussi bien sociaux qu'individuels. Élevé dans la glorification de l'uniforme, son cheminement vers l'anarchisme est avant tout intellectuel et non viscéral. C'est par la lecture de revue et d'ouvrages tant écrits ou édités par des compatriotes que par des étrangers, qu'il se rapproche des idées tout d'abord de gauche puis anarchistes. C'est cette volonté de connaître qui le pousse à tenter l'étude des langues après un rejet profond de l'école militaire. Sa vie, à l'image de ses années de jeunesse, demeure un combat entre la pression de cette société qu'il abhorre et son désir d'accomplissement individuel. Ceci l'amène à faire des choix, tantôt malheureux, comme sa tentative de réalisation d'un amour libre, tantôt heureux, comme sa volonté de se démarquer de ses anciens camarades qui se tournent vers le bolchevisme en 1917, déçus de l'inadéquation ostensible entre leur idéal anarchiste et la réalité de l'individu de Taishô.

Au final, la plus grande réussite d'Ôsugi reste non seulement l'écriture de quelques ouvrages témoignant de son temps comme son Autobiographie ou ses Récits de ma vie en prison, mais la création de quelques revues à mi-chemin entre politique, philosophie et littérature dont La pensée moderne est sans nul doute l'exemple le plus accompli.


19 octobre 2001, à 19 h. (salle 601 de la Maison franco-japonaise)

LA DIVINITE MARIEUSE DU GRAND SANCTUAIRE D'IZUMO : HISTOIRE ET MOTIVATIONS D'UN CULTE POPULAIRE D'AMPLEUR NATIONALE

par Jean-Michel BUTEL

Face aux grands mouvements religieux et au cycle rituel agraire, il est au Japon un type de culte souvent qualifié de superstition qui tire partie de l'efficacité magique attribuée aux divinités. Telle soignera des maux de dents, telle autre accordera des enfants, une troisième protègera des dangers du voyage ou assurera au commerçant prospérité et richesse... Récapituler leurs champs d'action revient à dresser un panorama des craintes et désirs populaires, tout comme l'autorise sans doute l'énumération des cultes de saints en pays catholiques. On remarque parmi elles des divinités qui permettent de trouver un bon conjoint, d'effectuer un bon mariage, d'être "bien lié" : les "divinités qui nouent des liens" (en-musubi no kami). Or, si chaque village possède sans doute au moins une divinité marieuse, certains cultes ont atteint une ampleur nationale : tel le Jishu-jinja à Kyôto, qui s'enorgueillit d'une affluence annuelle excédant les trois millions de pèlerins, ou le Nonomiya-jinja, l'un des trois premiers lieux de culte au Japon au palmarès de la vente d'amulettes. Mais la divinité marieuse la plus connue dans le Japon contemporain réside certainement au Grand sanctuaire, situé à l'extrémité méridionale de l'île de Honshû, dans le département de Shimane, face aux côtes coréennes. Nous aimerions dans notre exposé présenter à l'aide de diapositives et de documents vidéo le culte au grand sanctuaire, son histoire, finalement assez récente, et les raisons qui ont pu faire d'Izumo la "mecque" des amoureux.


28 septembre 2001 :

A PROPOS DU JAPONISME DANS LA POESIE ET DANS LA MUSIQUE La decouverte du haiku en France et Paul-Louis Couchoud (1879-1959)

par Mme SHIBATA Yoriko

Longtemps méconnues, la poésie et la musique sont deux composantes essentielles du Japonisme, courant esthétique d'un Occident qui découvrait l'art japonais à la fin du XIXème siècle.

En comparaison de la renommée des estampes et des peintures, la connaissance de la poésie japonaise était encore fort peu étendue. Ce sont les waka qui seront les premiers poèmes à être traduits dans la langue de différents pays européens. Au début du XXème siècle, viendra le temps de la découverte des haiku. C'est au François Paul-Louis Couchoud (1879-1959), qui s'était rendu par deux fois au Japon, que l'on doit ce qui figure parmi les premières traductions et compositions sur le modèle des haiku. A son image, d'autres écrivains et poètes d'Europe exploreront cette forme nouvelle d'art du langage.

Parallèlement au monde de la littérature, les compositeurs - dont on avait avivé la passion pour les poèmes japonais - manifesteront leur engouement dans leurs créations. C'est ainsi qu'Igor Stravinski, Claude Delvincourt ou Maurice Delage composèrent des mélodies inspirées des waka et haiku.

C'est à la découverte de ce "deuxième courant du Japonisme" que nous invite Mme Shibata qui agrémentera sa conférence historique d'extraits audio, tirés de la conférence-concert donnée en mars 2001 à la Maison de la culture du Japon à Paris et intitulée "Une soirée de mélodies françaises et japonaises sur des haiku et des waka".

Mme SHIBATA Yoriko est chercheur associé au Centre d'Etudes japonaises de l'INALCO de Paris. Elle travaille régulièrement sous la direction des professeurs J. J. Origas, Haga T. et Takeuchi N. Membre de la Société de Littérature comparée de l'Université de Tokyo, elle a notamment publié :

"L'univers du haiku chez Rilke" (revue Hikaku-bungaku nO36, Association Japonaise de Littérature comparée, 1992) ;

"Découverte du haiku en France" (Ecriture France-Japon, Presses Universitaires de Valenciennes) ;

"La découverte de Buson en France" (revue Kobu-bungaku, Gakutô-sha, 1996) ;

"Un voyage à la découverte du haiku et du waka : recherches sur les lettres manuscrites de P.-L. Couchoud (revue Hikaku-bungaku nO76, Société de Littérature comparée de l'Université de Tokyo, 2000). OEuvre traduite en japonais : Paul-Louis Couchoud, Sages et poètes d'Asie, avec une préface d'Anatole France (1923) ; (traduit avec Kaneko Mitsuko ; Misuzu Shobô 1999).


29 juin 2001 :

Georges Clémenceau et le Japonisme

par Matthieu SÉGUÉLA

"Le tombeur de ministeres", "Le Tigre", "le Pere la Victoire" ..., les épithètes désignant Georges Clémenceau sont fameux. Trente ans parlementaire, deux fois Président du Conseil et légende vivante d'une France victorieuse en 1918, l'historiographie du personnage est abondante. On y traite de son rôle magistral dans l'Affaire Dreyfus, du rôle tenu par les journaux dont il fut Directeur (La Justice, L'Aurore, Le Bloc, L'Homme libre, L'Homme enchaîné), de son athéisme radical ou de ses duels fameux, oratoires au Parlement, à l'épée sur le pré. Jusqu'à son amitié pour Claude Monet et les Impressionistes qui permettent de mieux saisir l'homme, double du politique. Mais le portrait de Clémenceau serait incomplet si on omettait de citer son Japonisme. Dans la France du XIXème siècle qui découvrait l'art japonais, il en fut un collectionneur passionné. Acteur politique, il apporta son influence et le concours de ses collections au service de la diffusion de cet art auprès du public. C'est ce rôle majeur - fondé sur une solide et discrète érudition - qui doit être lu dans la cohésion d'un esprit humaniste, fasciné au-delà de l'esthétique, par les philosophies des civilisations extrême-orientales. Son amitié avec Saionji Kimmochi - sans doute le point de départ de sa passion pour les arts japonais - nous conduira à étudier l'action de Clémenceau en faveur de la création des Musées Guimet et d'Ennery, sa participation aux manifestations japonistes de Paris et le devenir de ses collections, dont les fameux 3 000 kogo, ces boîtes à encens utilisées lors de la cérémonie du thé.

Matthieu Séguéla est doctorant en histoire contemporaine à l'I.E.P de Paris et travaille actuellement sur les relations militaires et aéronautiques franco-japonaises (1907-1937). Il est, accessoirement, président de la SEJT.


18 mai 2001

L'actualité du révisionisme historique au Japon

par Arnaud NANTA

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le Japon adopta une attitude opposée à celle de l'allemagne en choisissant d'oublier le passé plutot que d'essayer de s'en amender. Entré dans la décennie 1980, alors que le Japon appuie sa position de puissance économique, cinquante annees de ressentiment explosent sous la forme d'un révisionisme de manuel scolaire, révisionisme institutionnel également rendu possible grâce à la bienveillance passive de l'état.

"Vision masochiste de l'histoire"; "intellectuels d'extrême gauche qui manipulent la population"; "pour une vision libre de l'histoire!"; "l'invention américaine du massacre de Nankin"; "les Japonais qui travaillent contre la Nation"; l'impérialisme japonais ne connaissait pas la ségrégation!": étiquettage outrancier et langage totalitaire réapparaissent.

Nous souhaiterions revenir sur l'actualité politique et la nature du Comité pour la Rédaction de Nouveaux Manuels d'Histoire (déc. 1996), exposer le contenu du manuel d'histoire pour le cours élémentaire que le Comité publiera en 2002, et enfin mettre en lumière les visées politiques directes du mouvement, notamment en vue de la mise en place d'une armée japonaise régulière et d'une loi sur la sureté intérieure.

Arnaud Nanta, doctorant à Paris VII, mène actuellement une étude sur la naissance de l'anthropologie physique au Japon et ses changements epistemologiques tout au long du XXe s.


22 mars 2001

"Mourir à Tokyo"

par Natacha AVELINE

Documentaire en betacam de 52 minutes réalisé par Natacha Aveline et Jean Jimenez produit par le Centre Audiovisuel et Multimedia de l'université Toulouse 2.

La bulle foncière des années 1985-1990 a profondément modifié le visage de Tokyo. Une bonne partie du tissu pavillonnaire s'est brutalement verticalisé pour donner à la capitale nipponne l'allure d'une capitale mondiale. Pris dans la tourmente, les cimetières ont également connu des mutations, parfois meme assez spectaculaires. Le film "Mourir à Tokyo" examine les effets de la bulle sur le marché foncier funéraire et montre comment les promoteurs immobiliers se sont saisis de ces nouvelles opportunités.

Natacha Aveline, économiste et spécialiste des questions foncières, est actuellement pensionnaire à la Maison Franco-Japonaise.


23 février 2001

L'intrusion japonaise en Indochine française en juin 1940, faits, causes et objectifs

par Franck MICHELIN

En juin 1940, le Japon décide de profiter des difficultés qu'affronte la Grande-Bretagne et, surtout, de l'écroulement de la France. Enlisé en Chine, bloqué au nord par la masse redoutable de l'URSS, mais refusant pour autant de faire machine arrière car voulant tout prix briser la loi d'airain imposée par les puissances occidentales en Extrême-Orient, il recherche vers le sud une porte de sortie, une solution à ses problèmes économiques et politiques.

La France, sans moyen militaire lui permettant d'envisager une résistance, sans possibilité de recourir à l'aide d'une puissance alliée depuis qu'elle est sortie de la guerre en se soumettant à l'Allemagne, laisse penser au Japon qu'elle le laissera, cette fois, obtenir en Indochine les avantages qu'il convoite depuis déjà plusieurs années. La colonie, isolée, abandonnée, accepte alors de fermer sa frontière avec la Chine, et d'accueillir une mission de surveillance japonaise - mission qui va alors avoir pour véritable objectif de préparer l'occupation de fait de la colonie, ainsi que l'obtention d'avantages économiques.

Qu'est ce qui pousse alors le Japon à passer de simples menaces à une véritable intervention ? Sont-ce des causes objectives, telles que la nécessité de trouver une solution rapide au conflit chinois, ou encore de pallier les déficiences de son économie au moment où il est de plus en plus isolé sur la scène internationale ? Ou au contraire, plutôt que d'obtenir une série de causes profondes, sa politique serait-elle l'expression d'un grand projet politique qui consisterait en la construction d'un empire méridional ?

Franck Michelin, historien, est doctorant à l'INALCO.


31 janvier 2001

Les limites du pouvoir financier de l'Etat au Japon et en France

par KIMURA Takumaro

  1. La distinction entre pouvoir de police et pouvoir financier
    1. La justification de la distinction
    2. Les conséquences de la distinction
  2. Le "principe" de gratuité des services publics
    1. La doctrine de Maurice Hauriou et ses critiques
    2. Le problème financier de l'éducation publique

KIMURA Takumaro est professeur à l'Université de Chiba.


18 décembre 2000

"Elle était si jolie ...",

court-métrage présenté par Marc Rigaudis

ELLE ETAIT SI JOLIE... est un film "littéraire". Par cette sorte de paradoxe, j'ai essayé d'exprimer la modestie de l'entreprise filmique par rapport au texte littéraire.

Sur une narration de Catherine Laborde pour l'émission de FRANCE-CULTURE : "Un livre, des voix..." donnée à la première sortie du livre ITO SAN (ed. Julliard PARIS 1990), j'ai mis des images en video numérique. C'est cette toute nouvelle technologie qui m'a rendu l'expression filmique possible.

ELLE ETAIT SI JOLIE... est mon troisième essai après deux documentaires : le premier sur la fabrication des "sample food" que l'on trouve dans les devantures des restaurants au Japon, le deuxième étant un clip sur AKEBONO et sa fille de trois ans.

ELLE ETAIT SI JOLIE... est tiré, donc, d'une des cinq nouvelles qui constituent ITO SAN qui vient d'être republié à Paris en 1998 chez L'Harmattan. C'est l'histoire d'une jeune fille qui connaît l'ijime parce qu'elle est trop belle et de ce fait différente, sortant de la norme et, en plus sans doute de fomenter une certaine jalousie, dérangeant l'harmonie de la petite société de son lycée. Ijime n'est pas traduisible en français et en anglais le mot bullying n'est qu'un timide reflet du problème social qu'il implique. Au delà du harcèlement physique, ijime devient insupportable pour de jeunes individus qui ont été élevés pour faire partie d'un groupe sans lequel leur vie n'a plus aucune valeur. L'impossibilité de communiquer leur désarroi à quiconque autour d'eux conduit trop d'adolescents à la solution extrême qui est le suicide.

Je pense que la seule démarche pour essayer de désamorcer ce processus si tragiquement stupide est d'amener les victimes à s'ouvrir sur ce sujet et de déclencher la discussion de façon à ce que les intéressés ne sentent plus isolés et puissent communiquer leur détresse.


16 octobre 2000

"L'envol du Japon"
Les débuts de l'aérostation et de l'aéronautique dans l'Archipel (1876-1914)

par Matthieu SEGUELA

L'aviation est sans doute le dernier domaine technique et stratégique d'importance dans lequel le Japon de la fin de Meiji, de Taishô et des dix premières années de Shôwa ait dû faire appel au savoir-faire des nations occidentales. A compter du 19 décembre 1910, date où un avion importé de France évolue dans le ciel de Tokyo, le Japon n'aura de cesse de rattraper son retard aéronautique sur l'Occident et d'optimiser son avance sur les nations voisines. L'avion, comme moyen de reconnaisance, de liaison, de bombardement ou de défense, deviendra un élément nouveau de la question de la sécurité nationale de l'Archipel, un atout pour l'aménagement de son territoire et un moyen supplémentaire de conquête militaire. Cette adaptation de l'aviation aux besoins militaires de l'Empire sera un des facteurs déterminants de l'essor de cette arme nouvelle, suivant un processus analogue à celui des grandes puissances. En conséquence, la nécessité pour le Japon de posséder une industrie aéronautique nationale et indépendante de l'Europe et des Etats-unis se posera immmédiatement, tant pour des raisons stratégiques qu'économiques. Sa réalisation prendra un quart de siècle et ne sera rendue possible que par les transferts technologiques venus d'Occident.

Au cours des 30 premières années de son histoire, l'aviation japonaise bénéficiera d'une assitance privilégiée de la part de la France. Au point de devenir le premier secteur d'activités entre les deux pays, du fait de la diversité des aspects qu'il recouvre : dimension militaire avec les échanges de missions et l'adoption de doctrines aériennes, dimension industrielle avec les recherches communes aux constructeurs, dimension économique avec les ventes de matériels et de licences et dimension culturelle et sportive avec les raids aériens entre Paris et Tokyo. En ce sens, les relations aéronautiques franco-japonaises sont emblématiques des relations diplomatiques dont elles suivent - et dépassent parfois - les évolutions.


18 mai 2000

"Alice au pays des cases.
La bande dessinée japonaise pour filles et pour femmes : un genre à part entière."

Par Béatrice MARECHAL

La vente des magazines japonais de BD couvre 40% du marché de l'édition. Leur contenu est déterminé en fonction des attentes supposées d'un groupe de lecteurs défini a priori, et il est réajusté a posteriori après enquêtes. Les critères permettant d'identifier un de ces groupes dépendent d'abord de l'âge puis du sexe des lecteurs. Il s'agit donc d'une politique doublement singulière si l'on veut bien songer un instant à des découpages relatifs à d'autres domaines artistiques. Ainsi, on parlera volontiers de littérature pure ou populaire, de films d'action ou romantique, de peinture abstraite ou figurative, mais entendrait-on spontanément des spécifications de type "pour filles", "pour garçons", "pour adolescents", etc. ?! Doublement singulière, c'est aussi parce que cette politique est plutôt japonaise. En Occident, les choses sont finalement assez simples : les contempteurs de la BD la considèrent comme un genre infantile en général, tandis que ses admirateurs revendiquent plusieurs niveaux de lecture faisant des chefs d'oeuvre du 9ème art des ouvrages pour tout âge.

Au Japon, il existe deux expressions pour désigner les BD s'adressant à un public feminin : "shôjo manga" (les BD pour filles) et "ledîsu comikku" (de l'anglais "Ladies Comics", les BD pour femmes). La première date d'avant-guerre ; la deuxième se répand dans les années 80. Si l'histoire de ces publications apparaît donc aussi longue que celles des publications pour hommes et garçons, l'évolution est considérablement différente. C'est ce parcours que je voudrais d'abord brièvement retracer avant de passer à une question d'ordre plus général : qu'est-ce que ce genre de BD ? A partir d'une taxinomie de divers constituants, je voudrais pouvoir montrer quelles sont les dominantes qui permettent de l'identifier. Ces dominantes seront notamment établies à travers une observation des types de mise en pages, des styles et des codes graphiques, des topiques, des thématiques, des modèles de comportement des personnages et des systèmes de valeurs inscrits, du système d'adresse au lecteur et du contrat de lecture affiché. Ces données une fois posées, il sera possible de conclure, par un glissement de termes, genre à "gender", sur l'image des filles et des femmes dans ces BD. Qu'on se rassure, il ne s'agit pas d'une étude exhaustive qui se tasserait en 30 minutes de paroles, mais plutôt d'une approche méthodique d'un sujet extrêmement vaste dans ses exemples, sa réception et ses effets.


16 mars 2000

Roman hors-norme, roman culte : Dogra Magra (1935), de Yumeno Kyûsaku (1889-1936)

par Patrick Honoré

Dogra Magra n'est pas votre habituelle tasse de thé de simplicité zen et d'impermanence des choses des romans japonais auxquels vous pensez peut-être être accoutumé. Roman dérangeant, "à l'extrême de la psychose, du malsain, de l'érotisme", sa réputation de chef-d'oeuvre empoisonné de la littérature policière japonaise s'est répandue depuis sa parution en 1935, entièrement en dehors des mouvements officiels, d'où son étiquette de "roman culte".

Sa lecture fait découvrir un roman extraordinaire et inclassable, qui transcende la genre littéraire du "roman policier" (suiri-shôsetsu / tantei-shôsetsu) auquel il est censé appartenir. Redécouvert en 1962 par Tsurumi Shunsuke, il est aujourd'hui considéré unanimement comme l'un des romans majeurs de la littérature japonaise du XXème sièle, et son auteur comme l'égal de Poe et de Kafka.

S'agissant d'une oeuvre encore inédite en traduction, nous nous attacherons essentiellement à présenter l'oeuvre, sa composition, l'histoire, à présenter la figure fascinante de Yumeno Kyûsaku (son pseudonyme signifie "le reveur", "l'utopiste"), tour à tour ouvrier journalier en usine, moine zen, jardinier, journaliste puis auteur de romans policiers hétérodoxes, mort en 1936 à 47 ans, ses rapports ambigus avec la figure de son père et avec les mouvements de son époque ("Taishô democracy", centralisation du pouvoir et de l'économie, introduction des théories psychanalytiques, montée du nationalisme...).

Nous évoquerons quelques-uns des très nombreux commentaires, souvent contradictoires, que Dogra Magra a suscité et suscite aujourd'hui dans la critique japonaise, dont nous présenterons un axe possible de lecture de l'oeuvre : "pensée décentralisée : une morale nouvelle pour une civilisation spiritualiste à venir".


25 janvier 2000

Constitution et circulation des motifs architecturaux du mouvement moderne - Paris, Prague, Tokyo : le parcours de Bedrich Feuerstein.

par Christine Vendredi Auzanneau

Ebauche au cours des recherches documentaires liées à ma thèse, cette étude sur la circulation et la formation des motifs architecturaux du mouvement moderne au Japon s'attache à en caractériser les étapes au travers de la pratique japonaise d'un architecte tchèque - B. Feuerstein (1892-1936), auquel on attribue communément l'introduction de la modernité dans ce pays sous la férule de son compatriote A. Raymond (1888-1976), l'architecte qui l'accueillit à la suite de son stage chez A. Perret à Paris.

Dans cette recherche à deux niveaux de lecture, il s'est d'abord agi de clarifier pour toute une série de bâtiments, dans lesquels on reconnaît habituellement des formes élaborées dans l'atelier parisien des frères Perret, les vecteurs à l'origine de leur présence au Japon avant que d'essayer de débrouiller les fils de l'apport respectif des deux architectes d'origine tchèque. Faute de temps, cette étude s'est essentiellement portée sur deux thèmes précis, très facilement identifiables :

a) l'église Notre-Dame de Raincy, érigée par Perret aux environs de Paris en 1922 - dont on retrouve sans un grand effort d'imagination le dessin extérieur dans celui des chapelles de l'hôpital Saint-Luc (1928) et de l'Université Catholique pour Femmes de Tokyo (1932) - ;

b) la trame de la verrerie du Théâtre de l'Exposition des Arts Décoratifs de 1925, lisible notamment dans celle du hall du siège de la Rising Sun Petroleum Cy bâti à Yokohama en 1929.

Contact : thomas-a@pi.titech.ac.jp


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