Séminaire de méthodologie de la MFJ
24 octobre 2008

Une approche sociologique des marchands d'art japonais

Cléa PATIN

Résumé

Sous de nombreux aspects, le marché de l'art défie les logiques économiques habituelles : dans la mesure où la valeur des biens y est profondément subjective (établissement de la valeur par la comparaison relative, pas d'ajustement par les prix face à une augmentation structurelle de l'offre…), seul un fonctionnement en réseaux et des pratiques commerciales originales permettent d'acquérir l'information nécessaire au contrôle de la formation des prix. Au centre de ces interactions entre un pôle d'offre et de demande se situe le maillon crucial des galeristes.

Au Japon, toutes les conditions sont a priori réunies pour former un marché de l'art cohérent et structuré : relative aisance économique, longue tradition dans le commerce des arts, population d'artistes abondante et formée. Pourtant, les galeristes japonais peinent à imposer leurs protégés sur la scène internationale, au plus haut degré de reconnaissance et de fixation des prix, tandis que les acteurs étrangers fustigent un « marché opaque et difficile ». De fait, depuis le milieu des années 1980, le marché japonais connaît une série de chocs internes (augmentation de la population d'artistes, absence non compensée d'acteur public, extension quasi-sans limite du concept d'art…) et externes (spéculation, mondialisation des échanges artistiques, pression des maisons de ventes aux enchères internationales…) auxquels il peine à s'adapter.

Face à cette nouvelle donne, quelles sont les stratégies commerciales des marchands ? Comment adaptent-ils leur structure et leur fonctionnement ? Les pratiques traditionnelles (continuité du « système académique », solidarité au sein des syndicats, etc.) encore payantes sur le marché intérieur, sont-elles en voie de dislocation ? Assiste-t-on à un décalage accru entre l'offre et la demande (gap générationnel, évolution des modes de vie) ? Va-t-on vers de nouveaux modes de lancement des artistes ? Autant de questions qui stimulent notre recherche et auxquelles nous tenterons de répondre, en nous appuyant sur le travail de terrain qui a occupé nos deux premières années de thèse : une cinquantaine d'entretiens qualitatifs auprès des acteurs du marché (artistes, galeristes, collectionneurs, etc.), ainsi qu'une enquête quantitative focalisée sur les marchands (110 galeries).